Le congrès AIFBD 2023 a été l’occasion pour nombreux professionnels francophones de se rencontrer et de participer à des conférences riches et variées. Ils nous livrent ici leurs impressions du congrès.

Didier Jaurès Voitan : Point sur ma participation à la 5ème édition du congrès triennal de l’AIFBD

Les 16, 17, 18 et 19 août derniers s’est tenu à Bruxelles le 5ème congrès triennal de l’AIFBD. Une rencontre planétaire des spécialistes documentaires et de la bibliothéconomie à laquelle j’ai eu le plaisir de prendre part. L’édition 2023 a connu la participation d’une centaine de bibliothécaires – Documentalistes du monde francophone venus des quatre coins du monde. Une quarantaine de communications nous ont été présentées par des experts du domaine de la bibliothéconomie. Au nombre de celles-ci, quatre ont tout particulièrement retenu mon attention :

  1. La communication sur la médiation comme outil de plaidoyer présentée par Xavier Galaup, représentant des l’Association des Bibliothécaires de France.
    A travers cette communication, j’ai pu comprendre les démarches nécessaires à mener pour que les décideurs accordent une priorité au financement de la Bibliothèque.
  2. Mieux connaître ses publics pour mieux défendre les bibliothèques.
    Cette communication animée par Martine Lebon des bibliothèques de Montréal nous explique le rôle que peuvent jouer les méthodes qualitatives dans l’évaluation des performances des bibliothèques sur les usagers. Cette communication nous renseigne aussi sur les outils d’évaluation à mettre en oeuvre dans la bibliothèque pour mieux connaître ses publics et leurs besoins afin de défendre les intérêts de la bibliothèque auprès des décideurs dans un contexte où la bibliothèque est très peu connue du public et ne constitue pas une priorité pour les dirigeants; notamment les gouvernements africains.
  3. ChatGPT.IA et impact sur les bibliothèques et métiers de l’Information
    Cette troisième communication a été présentée par Monsieur Karim BOUGHIDA de Stony Brook University ( USA). Par cette communication, le communicant a démontré comment ChatGPT qui est une nouvelle technologie issue de l’IA est en train de bouleverser le monde du travail et susciter l’anxiété de part et d’autres. Pour lui, l’avènement de ChatGPT/IA est une opportunité notamment pour les bibliothèques et les services d’archives d’améliorer leurs services pour favoriser un meilleur accès à l’information aux usagers.
  4. Intelligence artificielle : pour des bibliothèques universitaires innovantes
    Conjointement animées par Mesdames Hanae LRHOUL (professeure à l’école des Sciences de l’Information) et Rania SHAARAWY (Bibliothèque d’Alexandrie), cette thématique m’a permis de cerner le rôle combien important peut jouer l’IA dans une bibliothèque en vue de l’optimisation des services documentaires. Le cas de la Bibliothèque d’Alexandrie en Égypte est illustratif puisque cette bibliothèque utilise l’IA pour offrir des services de qualité à ses usagers.

Outre ces communications de qualité présentées par des experts du domaine, il y a eu des échanges informels entre collègues. Chose que j’ai trouvée intéressante et enrichissante.

En somme, ce congrès a été pour moi une grande tribune de rencontres entre les professionnels du métier de bibliothécaire-documentaliste les plus expérimentés dans le monde et je remercie l’AIFBD pour son appui financier m’ayant permis d’y participer. Échanger durant ces trois jours avec eux sur certaines pratiques bibliothéconomiques m’a permis de comprendre les nouveaux enjeux du métier. Ce fut une belle expérience de réseautage et de tissage de relations.

Andréanne Bessette : Retour sur un voyage d’étude de l’EBSI et sur le Congrès AIFBD

Contexte

Le voyage d’études de l’EBSI s’inscrivait dans le contexte de deux congrès majeurs en sciences de l’information au mois d’août 2023 : le congrès trisannuel de l’Association internationale francophone des bibliothécaires et documentalistes (AIFBD) se déroulant en Belgique, dans la ville de Bruxelles, et le congrès annuel de la Fédération internationale des associations de bibliothèques et institutions (IFLA) se déroulant aux Pays-Bas, dans la ville de Rotterdam.

Le congrès de l’AIFBD, réparti sur 3 jours, avait pour thématique « L’accès à l’information au coeur du développement : plaidoyer pour les Bibliothèques et Centres de documentation ». Ce fut l’occasion d’en apprendre davantage sur la manière dont les différents milieux documentaires de la francophonie font valoir leur place et leur rôle dans la société et comment ils militent pour un meilleur accès à l’information au sein de leurs communautés.

Pour sa part, le congrès de l’IFLA, aussi connu sous le nom de World library congress (WLIC), avait pour thématique « Let’s work together, let’s Library ! ». En utilisant le mot « library » comme un verbe d’action, les congressistes de tous les horizons sont invités à travailler ensemble pour l’avenir des bibliothèques et des sciences de l’information. Durant les cinq jours du congrès, nous avons eu la chance de découvrir des projets innovants, d’en apprendre davantage sur des enjeux complexes comme l’intelligence artificielle et, surtout, d’être inspirés par les réalisations de bibliothécaires et de spécialistes de l’information à travers le monde.

Le voyage a également été l’occasion de participer à des visites de bibliothèques et des activités culturelles qui nous ont permis de découvrir la portée et l’importance des sciences de l’information pour les citoyens de Bruxelles, de Rotterdam et d’Amsterdam.

J’aimerais préciser que j’ai un intérêt particulier pour la gestion de l’information et les nouvelles technologies, ce qui peut se refléter dans le choix des activités et conférences auxquelles j’ai assisté ainsi que sur mes réflexions sur celles-ci.

Le Congrès de l’AIFBD

La première journée a commencé par la présentation d’exposés par les étudiants sur différents sujets reliés au voyage d’études et demandés par le professeur. J’ai vraiment apprécié cet exercice, comme il nous a permis d’avoir une meilleure compréhension du paysage des sciences de l’information en Belgique principalement, mais aussi aux Pays-Bas.

Mon sujet, les associations professionnelles en sciences de l’information en Belgique, m’a permis de mieux connaître les différentes associations, mais également d’en apprendre davantage sur la séparation entre la Région flamande, la Région wallonne et la capitale bruxelloise qui séparent la profession en réalités bien différentes.

Ensuite, dans le cadre de l’ouverture du congrès AIFBD, des visites étaient organisées afin de découvrir quelques milieux documentaires situés à Bruxelles. J’ai choisi la visite du KBR Museum qui abrite une partie de la collection personnelle des Ducs de Bourgogne. Celle-ci contient 300 des 900 manuscrits collectés par les Ducs (certains perdus, détruits ou se retrouvant à la Bibliothèque nationale de France). Information intéressante, le livre présentant des danses royales (illustré ci-dessous), est une reproduction des 7 exemplaires existant à travers le monde entier utilisant du parchemin encré.

J’ai particulièrement aimé cette visite, car l’un des objectifs du KBR Museum est de rendre accessibles au grand public les trésors collectés par les Ducs de Bourgogne via une exposition permanente. C’est pourquoi les manuscrits sont exposés à la vue de tous, accompagnés d’outils technologiques comme des écrans tactiles et des audios guides afin de présenter leur histoire, leur contexte et quelques anecdotes cocasses. On se sent chaleureusement accueilli dans cet espace de commémoration et de célébration de l’histoire belge.

La journée du 17 août a commencé par la cérémonie d’ouverture du congrès AIFBD. Nous avons été témoins du touchant discours de Marie Sophie Dibounje Madiba, qui concluait son mandat en tant que présidente de l’AIFBD, puis de la nomination du bibliothécaire de l’année, prix décerné à Didier Jaurès Voïtan, le Chef du Centre CAEB/Fondation Vallet de Parakou au Bénin.

Après l’ouverture officielle du congrès, les premières séances de travail ont commencé avec une certaine fébrilité dans l’air. Bien que la majorité des conférences étaient très intéressantes et m’ont amené sur de belles pistes de réflexion, deux conférences ont particulièrement captivé mon attention.

Parmi les conférences du bloc A (Stratégies et plaidoyer pour accéder à l’information), c’est celle animée par Raja Fenniche, professeure à l’Université de la Manouba en Tunisie, qui m’a le plus interpellée. Mme Fenniche a mis en lumière avec brio l’enjeu de l’illusion de liberté, d’égalité et de gratuité dans l’accès à l’information. Selon elle, même s’il existe des ressources en ligne, il n’est pas garanti que les gens aient les compétences nécessaires pour s’en servir adéquatement. C’est pour contrer cette faiblesse qu’elle milite en faveur de la formation des jeunes à la translittératie et à encourager le rôle social des bibliothèques. Les bibliothèques sont les mieux placées afin d’outiller les jeunes et de les guider dans l’appropriation de compétences numériques cruciales.

En après-midi, ce sont les conférences du bloc A qui m’ont le plus interpellée. Le thème était le suivant : « Des technologies comme plaidoyer pour les BU ». J’ai trouvé percutante la conférence de Karim Boughida de la Stony Brook University aux États-Unis. En entrée de jeu, il a déclaré sans détour que nous n’étions pas suffisamment préparés pour accueillir les changements occasionnés par l’intelligence artificielle (notamment le fameux ChatGPT).

Grâce à son expérience à la Stony Brook University, M. Boughida nous a présenté les différents enjeux et les dangers de l’intelligence artificielle, mais aussi ses failles et ses biais. Selon lui, il est primordial de ne pas rester les bras croisés et de commencer à s’instruire et à effectuer des recherches sur cette nouvelle technologie, car c’est un outil qui impactera grandement le futur de nos métiers en sciences de l’information.

C’est lors de cette dernière journée du congrès que j’ai trouvé ma conférence favorite! Animée par nulle autre que la directrice de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) Mme Marie Grégoire, la conférence du bloc B (Vers une société et une profession apprenantes) ayant pour sujet « Les milieux documentaires au coeur de la société apprenante » a vraiment marqué les esprits.

En compagnie de Mathieu Thuot-Dubé (Directeur des services éducatifs à BAnQ) et de Pascale Grenier (Bibliothécaire chargée de projets), Mme Grégoire a présenté le désir de BAnQ de contribuer à faire du Québec une société apprenante.

Pour commencer cette nouvelle aventure, l’équipe se penche (en collaboration avec des représentants des milieux documentaires), sur une définition de ce qu’une société apprenante, de ce que ça peut représenter concrètement et de comment cette vision peut s’arrimer à la mission de BAnQ. La première étape de ce chantier d’envergure, intitulée « L’audace des possibles » a déjà fait ressortir plein d’idées de projets concrets qui seront considérés et évalués pour s’assurer qu’ils s’attaquent à des enjeux et à des défis sociétaux actuels. Ce sera assurément une démarche novatrice qui ouvrira la voie dans les années à venir. J’ai déjà hâte d’en voir les résultats !

Parmi les conférences du bloc A (Advocacy et milieux documentaires), c’est la présentation du mémorandum 2024 de l’AAFB par Sarah Lessire qui m’a le plus accrochée. La question phare du mémorandum de 2024 de l’Association des archivistes francophones de Belgique était : « Comment mobiliser archivistes, politiques et citoyens? ». Si je peux dire, c’était rassurant de constater que leurs enjeux, notamment comment rester pertinent et visible auprès des pouvoirs politiques, se rapprochent de ceux que nous avons au Québec.

D’autre part, considérant que mon sujet de présentation dans le cadre de ce voyage d’études était les associations professionnelles en Sciences de l’information en Belgique, mes recherches m’avaient naturellement menée à explorer le fonctionnement de l’AAFB et ses réalisations. Ce fut d’autant plus intéressant d’en apprendre davantage sur les projets actuels et futurs de l’association belge.
Le congrès AIFBD s’est terminé en beauté avec la tenue d’un cocktail dînatoire qui a permis de souligner les conférenciers invités et de tisser des liens avec des collègues de la francophonie.

En route vers l’IFLA

Alors que nous étions en chemin pour Rotterdam, nous avons fait un arrêt pour visiter De Krook. Située à Gand, la bibliothèque est hébergée dans un bâtiment autosuffisant et moderne. Exemple parfait de tiers lieu, la bibliothèque a été imaginée et conçue en ayant en tête les citoyens et la ville de Gand et se veut un endroit d’échanges et de rencontres pour les membres de sa communauté. Son nom dérive d’ailleurs de la courbe dans la rivière Muinkschelde qui a déterminé son emplacement, sa structure et son architecture.

En plus de son architecture épurée à couper le souffle, j’ai été épatée de constater le soin mis dans la construction de chaque espace. Par exemple, la section jeunesse reflète les goûts et les besoins des jeunes qui ont été consultés avant son aménagement. Aussi, la quantité de livres en langues diverses pour inclure les citoyens vivant à Gand issus de l’immigration. C’est vraiment une bibliothèque qui s’inspire de l’endroit où elle se trouve et des gens qu’elle sert.

J’en profite également pour mentionner la bibliothèque publique centrale de Rotterdam (De Bibliotheek Rotterdam). Au coeur des Pays-Bas, la bibliothèque entamera en 2025 une spectaculaire transformation sous la direction des firmes Powerhouse Company, Atelier Oslo et Lundhagem. C’est un projet à surveiller !

Le congrès de l’IFLA a démarré sous le coup d’une grande cérémonie d’ouverture durant laquelle nous avons eu la chance d’entendre les discours rassembleurs de la présidente de l’IFLA, Mme Barbara Lison, du président du Comité national néerlandais, M. Theo Kamperman et même de Son Altesse Royale, la princesse Laurentien des Pays-Bas qui supporte chaudement la mission des bibliothèques.

J’étais renversée de voir et d’entendre des gens de partout à travers le monde réunis en un seul endroit et ayant pour seule chose en commun leur passion pour les bibliothèques et les milieux documentaires. Quand on voit autant de gens militant pour la même cause, c’est très motivant et on sent que tous ensemble on peut faire une différence. Et comme le philosophe Erasmus l’a souligné il y a fort longtemps : « A life without Books is unlivable. A life without library is unlivable. »

La deuxième journée de congrès fut beaucoup sous le signe de l’intelligence artificielle, thème souvent évoqué et discuté au cours des deux congrès. J’ai bien aimé cette façon de débattre de l’importance et de la pertinence de l’intelligence artificielle. La conclusion que j’en tire est que l’on doit rester vigilant, car l’IA comporte plusieurs défauts ou biais et qu’elle ne donne pas des résultats fiables.

Pour la troisième journée de congrès, j’ai été agréablement surprise par les conférences sur la désinformation. Les conférenciers étaient dynamiques et nous ont présenté des stratégies et trucs utiles pour discerner des cas de désinformation dans les publications officielles.

Enfin, au quatrième jour j’ai été séduite par les conférences présentant une série de nouvelles technologies vraiment renversantes.

Pour la dernière journée de congrès, nous avons eu le plaisir de partir à l’aventure découvrir diverses bibliothèques à Rotterdam, mais aussi en périphérie comme ce fut mon cas.

Conclusion

Pour conclure, j’aimerais souligner mon appréciation globale de ce voyage d’études. Je me sens évidemment privilégiée d’avoir eu la chance de faire un tel voyage, mais je trouve que c’est une expérience qui devrait être vécue par tout professionnel qui se destine aux sciences de l’information.

D’être en mesure de constater les différents enjeux et réalités vécus par d’autres endroits du monde permet d’avoir une version plus critique de notre propre réalité. Elle nous permet d’élargir notre vision de la profession et du monde, et d’obtenir des pistes de réflexion qu’il nous aurait peut-être été impossible à obtenir dans d’autres circonstances.

En plus des souvenirs de voyage, des liens tissés avec d’autres étudiants qui deviendront très probablement des collègues ou des partenaires de longue date, je ramène avec moi un bagage de connaissances rempli et prêt à être partagé avec mon milieu de travail.

En concluant, je remercie M. Réjean Savard qui a organisé avec soin le voyage et qui a pris le temps de répondre à nos divers questionnements (tout en assurant le bon déroulement du congrès AIFBD !) ainsi que l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information qui a rendu possible la tenue d’un tel voyage dans le cadre du cours SCI6343 – Sujets spéciaux : Aspects internationaux et
milieux documentaires de la maîtrise en sciences de l’information.

Enfin, je remercie la Direction des Affaires Internationales de l’Université de Montréal de son appui financier pour ce Voyage d’études.